Interpréter les figures de style en gras dans les textes suivants.
« Gavroche n'était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l'air, regarda du côté d'où était venu le coup, et se mit à chanter. [...]
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler. »
Victor Hugo, Les Misérables, 1862
Dans cet extrait des Misérables, de Victor Hugo, la figure de style en gras est un oxymore. L'oxymore est une variété d'antithèse où les deux termes de sens inconciliables sont rattachés par la syntaxe. Elle permet dans un premier temps d'annoncer la mort du personnage. Puis, de rappeler qu'il n'agissait que d'un enfant à travers « petite ». Enfin, de qualifier la bonté de ce caractère à travers la grandeur de son âme « grande », malgré son jeune âge.
« Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres ;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! »
Paul Valéry, « Le Cimetière marin »
Dans cet extrait du poème « Le Cimetière marin », de Paul Valéry, la figure de style en gras est un hypallage. L'hypallage est l'attribution d'un mot de sens inconciliable à un autre mot de cette phrase (sans qu'il soit possible de se méprendre sur le sens). Il permet dans un premier temps de créer du mouvement par le mot « tremblant » sur le marbre des tombes, pourtant immobiles. Puis, de donner un charme particulier à ce cimetière, finalement « en vie » dans un jeu de lumières, d'ombres et de vagues qui, en animant la matière et les éléments, s'oppose à l'idée de la mort.
« On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d'avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parlé, et l'autre pour l'avoir écouté avec un air d'approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extrême fraîcheur, dans lesquels on n'était jamais incommodé du soleil : huit jours après ils furent tous deux revêtus d'un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées, et de diables qui n'avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. »
Voltaire, Candide, 1759
Dans cet extrait de Candide, de Voltaire, la figure de style en gras est une antiphrase. L'antiphrase est un procédé qui consiste à dire le contraire de ce que l'on pense, en faisant comprendre que l'on ne pense pas ce que l'on dit. Elle permet dans un premier temps de sous-entendre par le contraire du mot « appartements », la réalité très inconfortable et désagréable des cellules en prison. Puis, de dénoncer avec ironie, l'injustice d'un traitement inhumain et absurde.
« Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ? »
Alphonse de Lamartine, « Le Lac », Méditations poétiques, 1820
Dans cet extrait du poème « Le Lac », de Lamartine, la figure de style en gras est une personnification. La personnification est un procédé qui donne des traits humains à un objet ou à un élément inanimé. Elle permet dans un premier temps de s'adresser au Temps (« Éternité, néant, passé, sombres abîmes »), et de l'interroger par l'emploi du pronom personnel « vous », puis de lui donner la parole, en lui demandant de la prendre par l'impératif « Parlez ».
« Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.
Stéphane Mallarmé, « Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui », Poésies, 1899
Dans ce sonnet « Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui », de Stéphane Mallarmé, la figure de style en gras est une assonance. L'assonance est le retour d'un même son vocalique. Le poète joue ici sur les sonorités en [i], avec plusieurs lectures possibles :
- celle d'un cri aigu de souffrance avec l'agonie du Cygne dans la glace ;
- celle de l'angoisse de la page blanche : la mort du Cygne, c'est-à-dire la mort de l'écriture, la stérilité poétique.