Sommaire
IInformer le lecteurAL'actionBL'héroïneIILe portrait physique et moralAUn idéal de beautéBLa vertu mêmeIIILa place de la femmeIVLa courAL'importance du rang socialBLe monde des apparencesVUn destin tragiqueAUne héroïne vulnérableBLes dangers de la passionIl parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.
Madame de Lafayette
La Princesse de Clèves
1678
Informer le lecteur
L'action
- Le lieu de l'action est mentionné dès la première phrase : "Il parut une beauté à la cour". Cette information est répétée plusieurs fois dans le passage : "plusieurs années sans revenir à la cour", "la mener à la cour". L'auteur insiste sur le lieu pour souligner son importance.
- La temporalité du récit : le vidame de Chartres est mentionné, c'est un noble du XVIe siècle.
- Le lecteur est plongé dans l'action avec une succession de verbes conjugués au passé simple : "parut", "alla", "fut". Cette action soudaine s'oppose à l'imparfait qui est le temps de la description.
- La raison de l'apparition de mademoiselle de Chartres est mentionnée : "on avait déjà proposé plusieurs mariages." Elle est à la cour pour se marier.
- L'auteur annonce déjà pourquoi son mariage ne va pas marcher, elle est très jeune, innocente, elle ne connaît pas le monde.
- Le thème de la tentation est aussi abordé. Mademoiselle de Chartres attire tous les regards. Elle est perçue par les autres comme une proie, un trophée.
L'héroïne
- Ce passage nous introduit auprès du personnage principal. C'est d'abord sa mère qui est citée, "sous la conduite de madame de Chartres", puis elle-même "mademoiselle de Chartres" à la fin du passage. Elle est sous l'autorité de sa mère.
- L'héroïne du roman apparaît comme un personnage idéal, d'une très grande beauté.
- Le narrateur sait tout, c'est donc un passage raconté d'un point de vue omniscient. Il retranscrit les pensées de tous les personnages et de mademoiselle de Chartres. Il raconte aussi ce qui s'est passé avant la scène et prépare ce qui va venir.
Le portrait physique et moral
Un idéal de beauté
- L'auteur insiste sur la beauté de l'héroïne. Le terme "beauté" est d'ailleurs répété quatre fois dans le passage, dont deux fois dans la première phrase.
- L'auteur livre une description précise de la jeune femme : "la blancheur de son teint", "cheveux blonds", "tous ses traits étaient réguliers", "grâce et charmes". L'héroïne correspond aux critères de beauté de l'époque. La blancheur souligne sa haute condition, puisque cela signifie qu'elle ne travaille pas dehors. La blondeur souligne son aspect angélique et pur.
- L'auteur utilise de nombreuses hyperboles : "beauté parfaite", "grande beauté", ainsi que des expressions hyperboliques : "il fut surpris", "il en fut surpris avec raison". Les répétitions servent à insister sur la beauté surprenante de la princesse : "elle donna de l'admiration dans un lieu où on était si accoutumé à voir de belles personnes."
La vertu même
- La mère est mise en avant. Elle représente "le bien, la vertu et le mérite". Le lien de parenté permet de supposer que mademoiselle de Chartres est aussi belle que bonne.
- Il y a une description de l'éducation reçue par la jeune femme. Elle est à la fois classique et moderne. La vertu est essentielle, c'est la morale classique qui la rend nécessaire. Le terme "vertu" est répété trois fois. Mais l'éducation a aussi quelque chose d'original : "la plupart des mères s'imaginent", "opinion opposée, elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour".
- Moralement et physiquement, la jeune femme est donc proche de la perfection. L'expression "d'éclat et d'élévation" permet d'affirmer qu'elle est proche de la religion, et proche donc de la sainteté. Elle a été éduquée pour être mariée et être une bonne épouse pour son futur mari.
La place de la femme
- La femme est vue essentiellement sous l'angle de sa beauté et de sa vertu. Son intelligence n'est pas importante.
- La qualité essentielle de la jeune femme, en plus de sa beauté, est sa jeunesse, qui est rappelée à plusieurs reprises : "seizième année", "extrême jeunesse". L'auteur souligne ici l'importance de l'innocence et de la virginité pour les jeunes femmes à marier.
- La femme est soumise à l'homme, à son mari : "à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme qui est d'aimer son mari et d'en être aimée."
- La femme "honnête" doit se méfier de l'homme qui est "dangereux". La mère met en garde contre les tromperies et les infidélités de l'homme. La femme est donc une proie pour l'homme, elle doit se protéger.
- La femme doit se battre pour rester une femme honorable, alors que l'homme peut faire ce qu'il veut. Il existe une véritable inégalité.
- Le mariage est vu péjorativement, c'est une contrainte, il n'assure pas le bonheur : "les malheurs domestiques où plongent les engagements." Le terme "malheurs" souligne déjà la tragédie.
La cour
L'importance du rang social
- Le rang de la jeune femme est important. Elle est "une des plus grandes héritières de France" et "un des grands partis qu'il y eût en France". La répétition permet d'insister sur sa position sociale élevée.
- L'auteur précise qu'elle a un lien avec un grand aristocrate de la cour : "Elle était de la même maison que le vidame de Chartres". Cette précision renforce la position sociale du personnage.
- L'hyperbole "madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait rien digne de sa fille", souligne la noblesse de la jeune femme. Le rang est donc une chose très importante à la cour.
Le monde des apparences
- La cour est décrite comme un endroit féérique : "dans un lieu où on était si accoutumé à voir de belles personnes". C'est un lieu où des gens beaux et de goût évoluent.
- La cour est aussi un milieu d'intrigues. Les gens se regardent, s'épient : "qui attira les yeux de tout le monde". Mademoiselle de Chartres suscite la curiosité. Les hommes apprécient sa beauté, les femmes se comparent à elle.
Un destin tragique
Une héroïne vulnérable
- L'arrivée de la jeune femme est remarquée à la cour. Cela présage un destin hors du commun. Elle suscite l'admiration. Madame de Chartres imagine un mariage exceptionnel pour sa fille. La jeune femme est donc appelée à un mariage prestigieux. On sait, grâce au titre du roman, qu'elle deviendra "princesse de Clèves".
- Mais le passage montre aussi que la jeune femme est fragile. Elle est très jeune, innocente. Elle ne connaît pas bien la cour. Elle n'a pas l'expérience de la vie mondaine. La cour étant présentée comme dangereuse, elle est une proie facile. Elle n'a jamais vécu les tentations de l'amour.
Les dangers de la passion
- L'auteur met déjà en avant les exigences de l'amour conjugal et les oppose au pouvoir de l'amour-passion. On comprend que mademoiselle de Chartres va vivre une passion amoureuse qui sera en contradiction avec son statut de femme mariée. Les conseils que la mère a donnés à sa fille annoncent la suite du roman.
- Madame de Chartres conseille à sa fille d'avoir "une extrême défiance de soi-même". Elle va donc être victime de ses sentiments. Le passage suggère une lutte que l'héroïne va devoir engager contre elle-même. En effet, elle n'aura que respect et estime pour son époux, le prince de Clèves, et tombera follement amoureuse du duc de Nemours.
- Mademoiselle de Chartres est promise à une union prestigieuse, mais elle est aussi une future victime de la passion. Le passage laisse déjà entrevoir la lutte entre l'honneur et l'amour. L'héroïne va devoir faire face à un dilemme tragique.
Quelle vision de la cour donne Madame de Lafayette dans ce passage ?
I. Une narration classique
II. Le portrait élogieux de la princesse
III. Une peinture de la cour
En quoi le portrait de la princesse de Clèves est-il celui d'une honnête femme ?
I. Un portrait moral
II. Un rang à honorer
III. Une éducation parfaite
En quoi ce portrait de mademoiselle de Chartres laisse présager un destin exceptionnel ?
I. La perfection incarnée
II. Une éducation irréprochable
III. L'annonce d'un destin tragique
En quoi le portrait de la princesse de Clèves s'oppose-t-il à celui du reste de la cour ?
I. Un portrait d'exception
II. Une éducation particulière
III. Une vision pessimiste