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  4. Exposé type bac : Voyage au bout de la nuit, L'arrivée du messager au front

Voyage au bout de la nuit, L'arrivée du messager au front Exposé type bac

Sommaire

ILe chaosIIL'incommunicabilitéIIILe corps dénaturéIVLa dépossession de soiVLe langage pour dire l'absurdité de la guerre

J'allais faire cette démarche décisive quand, à l'instant même, arriva vers nous au pas de gymnastique, fourbu, dégingandé, un cavalier à pied (comme on disait alors) avec son casque renversé à la main, comme Bélisaire, et puis tremblant et bien souillé de boue, le visage plus verdâtre encore que celui de l'autre agent de liaison. Il bredouillait et semblait éprouver comme un mal inouï, ce cavalier, à sortir d'un tombeau et qu'il en avait tout mal au cœur. Il n'aimait donc pas les balles ce fantôme lui non plus ? Les prévoyait-il comme moi ?
Qu'est-ce que c'est ? l'arrêta net le colonel, brutal, dérangé, en jetant dessus ce revenant une espèce de regard en acier.
De le voir ainsi cet ignoble cavalier dans une tenue aussi peu réglementaire, et tout foirant d'émotion, ça le courrouçait fort notre colonel. Il n'aimait pas cela du tout la peur. C'était évident. Et puis ce casque à la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre régiment d'attaque, un régiment qui s'élançait dans la guerre. Il avait l'air de la saluer lui, ce cavalier à pied, la guerre, en entrant.
Sous ce regard d'opprobre, le messager vacillant se remit au "garde-à-vous", les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-là. Il oscillait ainsi, raidi, sur le talus, la transpiration lui coulant le long de la jugulaire, et ses mâchoires tremblaient si fort qu'il en poussait des petits cris avortés, tel un petit chien qui rêve. On ne pouvait démêler s'il voulait nous parler ou bien s'il pleurait.
Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d'instrument. C'est à la mitrailleuse qu'ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d'allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.
L'homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d'articulé.

- Le maréchal des logis Barousse vient d'être tué, mon colonel, qu'il dit tout d'un trait.
- Et alors ?
- Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Étrapes, mon colonel !
- Et alors ?
- Il a été éclaté par un obus !
- Et alors, nom de Dieu !
- Et voilà ! Mon colonel…
- C'est tout ?
- Oui, c'est tout, mon colonel.
- Et le pain ? demanda le colonel.

Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu'il a eu le temps de dire tout juste : "Et le pain ?". Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu'il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c'était fini, que j'étais devenu du feu et du bruit moi-même.
J'ai quitté ces lieux sans insister.
Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu'un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l'air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l'odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d'abord. C'est qu'il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l'explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s'embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n'avait plus sa tête, rien qu'une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c'était arrivé. Tant pis pour lui ! S'il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.
Tout de suite après ça, j'ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d'éclater comme l'autre nous l'avait appris. C'était une bonne nouvelle. Tant mieux que je pensais tout de suite ainsi : "C'est une bien grande charogne en moins dans le régiment !" Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une boîte de conserves. "Chacun sa guerre" que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l'air de servir à quelque chose la guerre ! J'en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrées ordures que j'aurais aidé bien volontiers à trouver un obus comma Barousse.
Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble.

Louis-Ferdinand Céline

Voyage au bout de la nuit

1932

I

Le chaos

  • L'arrière-plan historique est celui de la Première Guerre mondiale.
  • On donne une vision chaotique de la guerre. Le narrateur détaille la description du visage du messager, le corps mutilé du colonel.
  • Le narrateur raconte, en sorte de monologue intérieur, l'attaque des Allemands.
  • Il y a de nombreux marqueurs de temps : "à l'instant même", "justement", "à présent", "et puis", "tout de suite après ça".
  • On utilise le passé simple pour des actions courtes : "arriva", "l'arrêta".
  • En revanche, l'imparfait souligne que le combat semble ne jamais s'arrêter : "poursuivaient", "craquaient", "avaient l'air".
  • Le monde semble détraqué : "dérangé", "renversé".
    Le narrateur perd ses repères.
II

L'incommunicabilité

  • La communication est impossible.
  • Le soldat est paralysé par la peur. Le messager est décrit comme "raidi". D'autres expressions soulignent cette idée que les hommes sont comme figés : "l'arrêta net", "se remit au garde-à-vous".
  • Le colonel et le messager ne se comprennent pas, comme le montrent les répétitions de "et alors ?" et "c'est tout".
  • Le colonel parle par monosyllabes.
  • Dès que les hommes essaient de se parler, de se retrouver, ils meurent, à l'image de Barousse.
  • Dans le dernier paragraphe, on remarque l'ironie : les hommes se rencontrent dans la mort, quand ils ne sont plus qu'un tas de chair.
III

Le corps dénaturé

  • Le corps est aussi dénaturé.
    L'homme vit dans la peur des balles et des obus, dans la peur d'être mutilé.
  • Le corps est secoué : "vacillant", "oscillait", "tremblait", "secouait".
  • Le corps est "dégingandé".
  • Les actes sont inachevés : "cris avortés".
  • Le corps devient "verdâtre".
  • C'est la mort qui l'attend. Le corps se "raidi".
  • La place du corps est importante avec l'énumération : "les yeux, les oreilles, le nez, la bouche".
IV

La dépossession de soi

  • Tous les hommes sont pareils. Ils représentent une seule masse, quelque chose d'indéfini : "le colonel", "le cavalier à pied", "les Allemands".
    Ils n'ont pas d'identité propre, ce sont des termes "comme on disait alors".
  • Le soldat n'est plus un homme, son corps ne lui appartient plus. De "cavalier", il devient "fantôme" puis "revenant".
  • L'âme humaine aussi est affectée. Le soldat ne semble plus avoir d'émotions. Comme une bête, il ne ressent qu'un seul sentiment, la peur. Idée d'annihilation de la sensibilité : "lui, je ne lui voulais pas de mal".
  • Impossible de compatir, c'est la survie qui compte : "il n'aimait donc pas les balles lui non plus ? Les prévoyaient-ils comme moi ?"
V

Le langage pour dire l'absurdité de la guerre

  • La langue de Céline permet de dire l'absurdité de la guerre.
  • La tonalité est ironique pour raconter la guerre.
  • On utilise un comique de mots pour parler de la mort : "achevait de faire" et "achever quelqu'un", "au sortir d'un tombeau".
  • La trajectoire des balles est désignée par l'expression détournée : "dit tout d'un trait".
  • L'auteur utilise un oxymore comique : "cavalier à pied".
  • Les atrocités de la guerre sont désignées par le terme "sottises".
  • On assiste à un comique de situation avec le colonel et le messager, incapables de parler ensemble de leur vivant, qui fusionnent dans la mort : "tous les deux", "toutes ces viandes", "ensemble".
  • On peut souligner l'utilisation du langage populaire pour s'approcher au plus près du personnage : "jetant dessus", "du bruit avec", "avec du sang dedans", "que je me dis", "que je pensais", "et puis non", "rien que ça".
  • Le mélange des registres créent des images frappantes : "sacrées ordures", "mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite", "opprobres".
  • Céline déconstruit le langage et heurte volontairement la sensibilité du lecteur.
    Il dénonce l'atrocité de la guerre, et veut que le lecteur se rende compte qu'il n'y a pas d'héroïsme, pas de lyrisme dans la guerre. C'est quelque chose d'absurde, de cruel, de glaçant, et de ridicule.

Comment la guerre est-elle représentée ?

I. Un absurde chaos
II. L'incommunicabilité des hommes
III. La dépossession de soi

Comment Céline dénonce-t-il l'absurdité de la guerre ?

I. Un monologue intérieur : dans la tête du personnage
II. Une vision absurde de la guerre
III. Un monde déshumanisé

En quoi l'écriture de Céline est-elle originale ?

I. Le langage familier
II. Des images frappantes
III. Le refus du lyrisme

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