Sommaire
IUne description naturaliste de l'ouvrierIIUn ouvrier expérimentéIIIVers la tragédie : la fin de journéeIVL'idée de fatalitéCoupeau terminait alors la toiture d'une maison neuve, à trois étages. Ce jour-là, il devait justement poser les dernières feuilles de zinc. Comme le toit était presque plat, il y avait installé son établi, un large volet sur deux tréteaux. Un beau soleil de mai se couchait, dorant les cheminées. Et, tout là-haut, dans le ciel clair, l'ouvrier taillait tranquillement son zinc à coups de cisaille, penché sur l'établi, pareil à un tailleur coupant chez lui une paire de culottes. Contre le mur de la maison voisine, son aide, un gamin de dix-sept ans, fluet et blond, entretenait le feu du réchaud en manœuvrant un énorme soufflet, dont chaque haleine faisait envoler un pétillement d'étincelles.
- Hé ! Zidore, mets les fers ! cria Coupeau.
L'aide enfonça les fers à souder au milieu de la braise, d'un rose pâle dans le plein jour. Puis, il se remit à souffler. Coupeau tenait la dernière feuille de zinc. Elle restait à poser au bord du toit, près de la gouttière ; là, il y avait une brusque pente, et le trou béant de la rue se creusait. Le zingueur, comme chez lui, en chaussons de lisières, s'avança, traînant les pieds, sifflotant l'air d'Ohé ! les p'tits agneaux ! Arrivé devant le trou, il se laissa couler, s'arc-bouta d'un genou contre la maçonnerie d'une cheminée, resta à moitié chemin du pavé. Une de ses jambes pendait. Quand il se renversait pour appeler cette couleuvre de Zidore, il se rattrapait à un coin de la maçonnerie, à cause du trottoir, là-bas, sous lui.
Émile Zola
L'Assommoir
1877
Une description naturaliste de l'ouvrier
- On remarque l'utilisation des champs lexicaux du travail et du matériel : "toiture", "toit", "gouttière", "maçonnerie de la cheminée".
- Le vocabulaire est précis : "feuille de zinc", "établi", "tréteaux", "cisaille", "soufflet", "fer à souder".
- La hauteur est importante : "là-haut", "là-bas sous lui".
- Cette opposition entre le haut et le bas présage la tragédie à venir.
Un ouvrier expérimenté
- Coupeau a l'habitude de son travail, il est un ouvrier expérimenté, idée soulignée par l'adverbe "tranquillement".
- La comparaison avec un tailleur montre son savoir-faire.
- L'expression "comme chez lui", qui est utilisée deux fois, souligne l'idée de familiarité entre Coupeau et son travail.
- Coupeau est sérieux et appliqué. Il ne parle que pour donner une indication de travail.
- L'apprenti est vu comme "cette couleuvre de Zidore" : c'est un reproche de Coupeau qui trouve le jeune homme trop désinvolte.
- L'ouvrier travaille avec entrain : "Ohé ! les p'tits agneaux !"
- La maîtrise des gestes est exprimée par les nombreux verbes d'action à la fin de l'extrait.
Vers la tragédie : la fin de journée
- L'extrait évoque un moment symbolique, c'est la tombée de la nuit.
- D'abord l'imparfait de l'habitude montre une action qui dure.
Puis plus-que-parfait : "il y avait installé". - On note une progression avec la répétition de la même expression au début de chaque paragraphe des "dernières feuilles de zinc", "la dernière feuille de zinc".
- La succession d'actions rapproche du moment fatidique.
- Le lyrisme souligne la chronologie avec le "soleil de mai" de fin de journée, le "ciel clair" et le "rose pâle".
L'idée de fatalité
- L'idée de fatalité est présente avec l'expression : "Ce jour-là".
- La lumière tient une place importante : "une pleine lumière", "le plein jour", "pétillements d'étincelles".
- Toutefois, la sécurité semble compromise : toit "presque plat".
- La narration évoque un déplacement vers le bas : "au bord du toit près de la gouttière".
- La tombée du jour est aussi la chute de l'ouvrier.
- Le rythme des phrases est marqué par des coupures, des phrases plus brèves ("Une de ses jambes pendait").
Cela crée du suspense.
En quoi cet extrait est-il naturaliste ?
I. Des indications précises sur le travail
II. Le lyrisme
III. L'idée de fatalité
En quoi cet extrait est-il inquiétant ?
I. Une journée apparemment normale
II. L'aisance de l'ouvrier
III. Le thème de la fatalité
Comment Zola prépare-t-il la chute de Coupeau ?
I. Un ouvrier expérimenté
II. La fin de la journée
III. Le thème de la fatalité