Sommaire
IUne structure de tragédieIILa tragédie de l'oppositionIIILa fatalitéIVAntigone, une résistanteVCréon, un tyran ?Antigone
Sophocle
441 avant J.-C.
La pièce s'ouvre sur Antigone qui demande à sa sœur Ismène de l'aider à enterrer leur frère Polynice. Le roi Créon, leur oncle, a interdit qu'il bénéficie des rites funéraires. Ismène répond à sa sœur qu'elle ne peut l'aider, car elle ne veut pas agir contre les lois de la cité. S'ensuit une scène où le choeur raconte le combat de Polynice et Étéocle, les deux frères qui se sont opposés et battus pour le pouvoir. Tous les deux morts, c'est Créon qui est monté sur le trône.
Un garde vient apprendre à Créon que le corps de Polynice a été enseveli. Créon affronte alors Antigone et Ismène. Antigone avoue avoir enterré son frère et s'oppose violemment à Créon. Ce dernier se montre haineux et tyrannique. Antigone est arrêtée.
Hémon, fils de Créon et fiancé d'Antigone, veut faire entendre raison à son père. Il plaide en faveur d'Antigone. Mais Créon ne veut rien entendre. Antigone expose ses malheurs et sa souffrance au choeur, qui lui rappelle ses actions. Créon arrive ensuite et Antigone explique les raisons de son geste. La famille et l'honneur passent avant tout.
Le devin Tirésias tente de convaincre Créon d'enterrer Polynice. Il annonce une tragédie si le roi s'y oppose, mais ce dernier refuse de le croire. Le coryphée (chef du choeur) conseille aussi à Créon de libérer Antigone et d'élever un tombeau à Polynice. Créon va céder, mais le choeur arrive pour annoncer le suicide d'Hémon et la mort d'Antigone. On apprend ensuite que la femme de Créon, Eurydice, s'est également tuée. Créon est seul et le choeur lui apprend que les orgueilleux sont punis.
Une structure de tragédie
La pièce suit la structure d'une tragédie en cinq actes :
- D'abord le prologue (exposition de la pièce), avec Antigone qui apprend à sa sœur ce qu'elle va faire : enterrer Polynice.
- Ensuite, il y a le parodos, c'est-à-dire l'entrée du chœur. À l'époque antique, cette partie est faite de chants et de passages parlés.
- Vient ensuite le premier épisode de la pièce, avec l'entrée de Créon. C'est la fin du prologue, l'action débute.
- Ensuite, premier stasimon, c'est-à-dire intermède musical chanté par le chœur. Ici, il s'agit d'un hymne au monde.
- Vient ensuite le deuxième épisode, avec le garde qui amène Antigone devant Créon.
- Puis, deuxième stasimon, le chœur évoque les malheurs des Labdacides.
- Troisième épisode, Hémon supplie son père d'épargner Antigone. Troisième stasimon, le chœur chante l'amour.
- Quatrième épisode, Antigone fait ses adieux à la vie et se remémore sa vie.
- Quatrième stasimon, le chœur rapproche le destin d'Antigone d'autres épisodes mythologiques.
- Cinquième épisode, Tirésias tente de raisonner Créon.
- Cinquième stasimon, le chœur invoque Dionysos.
- Enfin, l'exodos (dénouement). Le messager apprend aux personnages (et au public) la mort d'Hémon, Antigone et Eurydice. Le chœur est toujours sur scène.
La pièce respecte la règle des trois unités : une seule action, un seul jour, un seul lieu.
La tragédie de l'opposition
Antigone défend sa famille et son droit d'accomplir les rites funèbres selon la tradition. Créon défend la polis, c'est-à-dire les lois de la cité. Chacun refuse et rejette la vision de l'autre. Les deux personnages principaux sont coupables d'hybris, dans le sens où ils sont orgueilleux. Créon ne croit qu'à l'ordre, et Antigone qu'à l'éthique. Pour Créon, Antigone représente l'anarchie, elle est celle qui n'obéit pas aux lois. Antigone oppose la loi divine à la loi humaine. Son frère mérite un enterrement, il mérite d'aller dans l'au-delà, son âme ne doit pas errer sur terre.
L'opposition n'est pas simplement celle des lois, mais des âges. Antigone est jeune, Créon plus vieux. Antigone est une femme, Créon un homme. Antigone se bat pour la liberté et la justice alors que Créon se montre souvent tyrannique.
La fatalité
Le thème de la fatalité est essentiel dans une tragédie. La fatalité pèse sur Antigone et Ismène dès le début de la pièce. Elles sont les filles d'Œdipe, elles font donc partie d'une famille marquée par la fatalité, marquée par l'influence divine. Œdipe a tué son père et épousé sa mère (Jocaste) sans le savoir. Jocaste s'est tuée, et Œdipe s'est crevé les yeux. Les deux frères d'Antigone et Ismène se sont entre-tués. Elles sont les seules survivantes d'une famille décimée.
Antigone justifie son acte, enterrer son frère, par l'importance de la famille. Elle affirme qu'un frère mort est irremplaçable. La loi du sang prime sur la loi du mariage. Accorder une telle importance à sa famille, c'est être marqué par la tragédie.
Antigone, une résistante
Antigone est une figure de résistante. Elle se montre héroïque. C'est une jeune fille, pourtant elle n'hésite pas à s'opposer à Créon, au roi. Elle ose d'ailleurs lui dire qu'il est un tyran, et que si les autres pouvaient parler, ils dénonceraient son pouvoir.
Elle attire aussi la pitié du spectateur. En effet, elle ne se montre pas insensible. Elle pleure devant le chœur, elle regrette de ne pas épouser Hémon.
Le personnage d'Antigone est devenue le symbole de la résistance, c'est la raison pour laquelle Anouilh en fera une réécriture pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle est également devenue un symbole de toutes les femmes qui s'opposent au pouvoir hégémonique des hommes.
Créon, un tyran ?
Créon tente d'être un bon roi, mais il se montre souvent violent, il s'emporte facilement. Il ne supporte pas qu'on remette en cause son pouvoir. Il a peur d'Antigone, car il a peur qu'elle parvienne à déclencher une révolte contre lui. Ses actions vont mener à la mort de toute sa famille.
Le garde n'ose pas lui parler, Antigone rappelle que le peuple le craint. Créon n'est pas un roi aimé. Il semble en décalage avec la population. C'est le chœur qui lui apprend toujours ce qui se passe. Il refuse d'ailleurs d'écouter ceux qui ne vont pas dans son sens, qui ne disent pas ce qu'il a envie d'entendre. Il ne cesse de crier tout au long de la pièce. Il qualifie Antigone de "folle", alors qu'il est le personnage de la pièce qui semble le plus fou.