Sommaire
ILes règles classiquesAL'unité de lieuBLe tempsIILa naissance d'un monstreALa soif de pouvoirBLa noirceur de NéronCLe rôle de la mèreIIILes innocentsABritannicus, personnage naïfBJunie, une SainteBritannicus
Jean Racine
1669
La pièce s'ouvre sur Agrippine qui attend une entrevue avec son fils, l'empereur Néron. Ce dernier a enlevé Junie, l'amante de Britannicus, un prétendant légitime au trône. Agrippine a réussi à le tenir écarté au profit de son fils. Néron refuse de voir sa mère. Agrippine est inquiète car elle n'a plus le même contrôle qu'avant sur lui. Elle prévient alors Britannicus du sort de Junie et lui offre son soutien contre Néron. Britannicus accepte, poussé par Narcisse, qui travaille en vérité pour Néron.
Narcisse prévient donc Néron. Ce dernier envisage de répudier sa femme Octavie pour épouser Junie. Mais la jeune femme refuse de l'épouser. Néron menace la vie de Britannicus. Elle doit se montrer froide devant lui quand il vient la voir.
Junie révèle tout à Britannicus, mais Narcisse avertit Néron. Britannicus est fait prisonnier. Agrippine rencontre enfin Néron et parvient à le convaincre qu'il doit se réconcilier avec Britannicus lors d'un festin. Mais en vérité, Néron ment. Il prévoit d'assassiner son rival. Agrippine croit avoir convaincu son fils, mais Burrhus paraît sur scène et annonce que Britannicus a été empoisonné lors du festin. Narcisse, le traître, est déchiré par la foule. Junie s'enfuit chez les vestales. Néron est maudit par sa mère.
Les règles classiques
L'unité de lieu
Dans cette tragédie, l'unité de lieu est bien respectée, et tout se passe dans l'antichambre, seul lieu représenté sur scène. Pourtant, on peut dire que l'unité de lieu est triple. En effet, on peut distinguer trois endroits respectivement associés à la chambre, l'antichambre et l'extérieur. La chambre est le lieu du pouvoir, où Néron prend les décisions. L'antichambre est le lieu représenté sur scène, le lieu où les personnages attendent les décisions. Les personnages dans l'antichambre sont sous contrôle de Néron, ils sont victimes de son pouvoir, ils ne peuvent rien faire contre. L'extérieur représente une échappatoire, la foule qui va tuer Narcisse, le temple des vestales où Junie trouvera refuge. Toutefois, sur scène, le spectateur ne voit que ce qui a lieu dans l'antichambre. Ce qui se passe dans les autres endroits est rapporté.
Le temps
L'intrigue se déroule au cours d'une seule journée. La pièce débute à l'aube et se termine la nuit. Au cours de la journée, Néron veut tuer tous ceux qui lui font obstacle. Les actions se succèdent donc très rapidement, et s'accélèrent d'ailleurs au cinquième acte. Certains critiques ont remis en cause cette évolution jugée trop rapide. En vérité, elle s'explique par l'urgence même de la situation, et la transformation de Néron. Il s'est libéré de l'emprise de sa mère, c'est désormais son vrai visage. Il devient le tyran qu'il va rester, recourant sans cesse au crime. C'est bien ce que dit Racine dans sa préface, annonçant qu'il écrit une pièce sur la perte de la vertu d'un puissant, et sa plongée dans le mal.
La naissance d'un monstre
La soif de pouvoir
Néron incarne la soif de pouvoir. D'abord, c'est sa mère, femme puissante, qui le contrôle. Elle aussi aime le pouvoir, et elle a fait en sorte que son fils soit sur le trône pour pouvoir le manipuler, et donc être souveraine. Mais la situation s'inverse bientôt. L'empereur fait annoncer à sa mère qu'il n'a plus besoin d'elle. Néron est devenu très puissant, plus personne ne peut s'opposer à lui. On assiste ainsi à l'arrivée au pouvoir d'un véritable tyran. Seul Narcisse semble bénéficier de cette soif de pouvoir, puisqu'il aide Néron, mais finalement il se fait tuer par la foule.
La noirceur de Néron
Racine a voulu peindre "un monstre naissant". On voit donc l'empereur se libérer petit à petit de toutes les influences extérieures et révéler son vrai visage. Néron justifie ainsi le fait d'écarter sa mère : "Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse". Il n'écoute plus sa mère, ni Sénèque qui est absent, ni Burrhus. Seul Narcisse a pour lui du crédit, car il lui propose de sombres desseins. Néron se détourne résolument de toute solution pacifique. Il ne fait pas des actes terribles pour le bien du peuple, mais par cruauté, par amusement, pour sa joie personnelle : "Mais je mettrai ma joie à le désespérer. / Je me fais de sa peine une image charmante". Il veut être craint, il n'a pas peur du meurtre, il paraît même fou.
Le rôle de la mère
Agrippine est ambitieuse. Pour placer Néron à la tête de Rome, elle a déshérité Britannicus, poussé à la ruine certains et même eu recours au meurtre. Mais elle a une gloire incroyable en tant que mère de l'empereur. Pour autant, c'est aussi par amour pour son enfant qu'elle a tout fait pour qu'il soit sur le trône. Elle se sent menacée par Junie, car elle sait que Néron l'écoutera moins s'il aime une autre femme. C'est la raison pour laquelle elle veut les séparer. Elle voit d'un mauvais œil cette liaison.
Agrippine veut rester au pouvoir, et pour cela elle doit garder une emprise sur son fils. Elle qui a su manipuler tout le monde pour mettre Néron au pouvoir mais semble aveugle à la véritable nature de son enfant. Elle ne retrouve sa lucidité qu'à la fin de la pièce.
Les innocents
Britannicus, personnage naïf
Britannicus, fils de l'empereur Claude, est un héritier légitime de l'empire. Il ne semble pas y avoir renoncé, mais il trouve dans l'amour une véritable consolation : "Sans doute on ne veut pas que mêlant nos douleurs / Nous nous aidions l'un l'autre à porter nos malheurs". C'est un personnage que l'on peut décrire comme très naïf. En effet, il est aveugle aux motifs de Néron, et ne se rend pas compte qu'il est trahi par Narcisse à qui il voue une confiance sans bornes.
Lorsqu'il apprend que Néron veut le recevoir pour un festin, il ne se doute pas un instant qu'il va être tué. Il croit très simplement ce qu'on lui dit. Cette naïveté va le conduire à sa perte et laisse entendre qu'il aurait été un bien piètre souverain pour Rome.
Junie, une Sainte
Junie est prisonnière de Néron, femme triste qui a perdu sa famille. Elle est très belle, vertueuse, et tout le monde s'accorde à dire qu'elle est la meilleure des femmes : "Belle, sans ornements, dans le plus simple appareil". C'est une femme simple qui ne demande qu'à être avec l'homme qu'elle aime. Elle n'est pas attirée par le pouvoir, elle ne participe à aucun complot. Peut-être est-ce aussi ce que Néron apprécie chez elle.
Pour autant, contrairement à son amant, Junie n'est pas naïve. Elle comprend vite ce qui se trame, n'est pas heureuse d'apprendre que Néron et Britannicus vont se réconcilier, elle craint quelque chose, elle tente d'avertir son amant. Elle est montrée comme une sainte et une martyre, qui finit finalement chez les vestales.