Sommaire
IL'esthétique du doubleIILa satire socialeALa civilisation corruptriceBArlequin, un valet malinIIILa morale du cœurLa Double inconstance
Marivaux
1723
Une jeune paysanne, Silvia, a été enlevée et est retenue dans le palais du prince. Mais Silvia est amoureuse d'un jeune homme du village, Arlequin. Flaminia, une conseillère du prince, et Trievelin, essaient en vain de rompre l'amour entre les jeunes gens.
Flaminia réussit toutefois à gagner leur confiance. Silvia lui dit qu'elle aime aussi un officier du palais, et pas seulement Arlequin. Cet officier est en vérité le prince qui s'est déguisé pour la séduire.
Peu à peu, Arlequin et Silvia sont séduits par la vie de château. Arlequin tombe amoureux de Flaminia. Le prince dévoile alors sa véritable identité, et il épouse Silvia, tandis que Flaminia épouse Arlequin. La double inconstance se clôt sur un double mariage.
L'esthétique du double
La Double inconstance développe deux intrigues parallèles, celle de Silvia et du Prince, celle d'Arlequin et de Flaminia. Cette esthétique du double se trouve d'abord dans l'amour que Silvia porte à Arlequin et au prince. Son inconstance est ce qui crée l'image du double, puisqu'elle se retrouve avec deux amants, avec deux cœurs.
Le thème du double se retrouve dans le discours d'Arlequin. Ce dernier s'insurge contre le pouvoir et la cour mais finit par embrasser cette vie de luxe. Flaminia elle-même hésite entre son devoir de séparer les jeunes amants et son amour naissant pour Arlequin, tandis que le prince finit par hésiter entre sa passion pour Silvia et son empathie pour Arlequin. La duplicité, l'image du double, se trouve au cœur de l'intrigue.
La satire sociale
La civilisation corruptrice
Marivaux ici se moque de ses personnages et de sa société. Il dénonce une civilisation corrompue et corruptrice. Arlequin et Silvia s'insurgent contre le luxe avant de tomber dedans. C'est leur hypocrisie qui est mise à jour. Marivaux écrit ici une pièce sociale. Il reprend en effet le thème de la société qui corrompt l'Homme. Les paysans se laissent ainsi amadouer par les courtisans.
Le naturel change au contact de la vie de château. Silvia, qui avait en horreur qu'on lui demande de quitter Arlequin, se met à parler sans honte de ses sentiments pour un autre. Arlequin oublie aussi son amante. Ils cessent d'être des paysans et entrent dans la peau de courtisans.
Arlequin, un valet malin
Arlequin se montre néanmoins fort malin lorsqu'il résiste encore. Ainsi, quand on lui propose deux maisons, il se demande ce qu'il pourrait bien en faire lui qui n'a besoin que d'une chambre. Il se demande à quoi pourrait lui servir un équipage quand il a deux jambes pour marcher. Il assure qu'il préfère s'occuper de son champ plutôt que de devenir l'émir du prince.
Au début, Silvia et Arlequin semblent reconnaître la valeur véritable des choses. Ils se contentent de l'essentiel. Ils refusent obstinément les honneurs et se montrent ainsi bien plus sages que leurs supérieurs. Pour eux, la noblesse morale ne va pas naturellement de pair avec la noblesse sociale. Les puissants sont d'ailleurs perplexes devant tant de résistance. Mais finalement, les deux paysans abdiquent. Pour autant, Arlequin a-t-il perdu ?
La morale du cœur
Marivaux fait le portrait d'un prince idéal. Le prince kidnappe d'abord Silvia et tente d'imposer sa volonté. Mais il n'y arrive pas. Il doit donc séduire la jeune femme. De plus, en côtoyant Arlequin, il se met à voir les choses sous un nouveau jour. Arlequin d'ailleurs se montre presque insolent. Il réclame justice, il appelle à l'égalité, à la dignité de tous les êtres humains. Il fait le portrait du prince idéal. Le prince est d'ailleurs forcé de reconnaître qu'il a raison. Arlequin lui montre un souverain idéal, soucieux du bonheur de son peuple. Le prince décide qu'il va incarner cette image.
Le Prince alors décide de renoncer à Silvia. Mais ce n'est pas la morale qui le fait vaciller, c'est le chagrin d'Arlequin. Tout à coup, il est sensible à la peine de son serviteur. La puissance du sentiment unit un moment les deux hommes. C'est le triomphe de la sensibilité. L'attendrissement, pour un instant, abolit la distance sociale. C'est cette morale du cœur, fondée sur la bonté naturelle de l'Homme, qui est centrale dans l'idée humaniste de Marivaux.
Je suis tendre à la peine d'autrui, mais le Prince est tendre aussi.
Marivaux
La Double inconstance
1723