Sommaire
IUne multitude de thèmesIILes obstacles à l'amourIIILa démesure et la raisonIVUne satire de l'ÉgliseVLa place des femmesLe Décaméron
Boccace
1351
L'histoire se situe en 1348 à Florence. Une épidémie de peste noire ravage la ville. Dix personnages se réunissent, fuyant la maladie. Il y a sept femmes (Pampinée, Flammette, Philomène, Émilie, Laurette, Neiphile, et Elissa) et trois hommes (Pamphile, Philostrate et Dionée). Ils trouvent refuge à la campagne, dans un jardin paradisiaque qui paraît hors du temps. Boccace oppose des descriptions lyriques de la nature, foisonnante et sauvage, à celle de la maladie qui est présentée avec de nombreux détails médicaux. L'auteur livre dans cet ouvrage de nombreuses réflexions sur la société, la politique et les moeurs de son temps. Il choisit de le faire en racontant différentes histoires, qui ont une portée morale.
Au début de l'œuvre, l'auteur fait un tableau de la peste. Ensuite, le récit est découpé en différentes journées. Chaque journée correspond à un thème, et un personnage devient conteur. On parle donc d'un recueil de nouvelles. Les différentes journées sont intitulées comme suit. Premier jour, avec la reine Pampinea, "Où l'on parle de ce qui sera le plus agréable à chacun". Deuxième jour, avec la reine Filomena, "Où l'on parle de ceux qui, tourmentés par le sort, finissent au-delà de toute espérance par se tirer d'affaire." Troisième jour, avec la reine Neifile, "Où l'on parle de ceux qui, par leur ingéniosité, ont obtenu ce qu'ils voulaient, ou ont retrouvé ce qu'ils avaient perdu". Quatrième jour, avec le roi Filostrato, "Où l'on parle de ceux qui eurent des amours se terminant par une fin tragique." Cinquième jour, avec la reine Fiammetta, "Où l'on parle des fins heureuses terminant des amours tragiques." Sixième jour, avec la reine Elissa, "Où l'on parle de ceux qui évitent dommage, danger ou honte par l'usage d'une prompte réplique". Septième jour, avec le roi Dioneo, "Où l'on parle des tours que les femmes, poussées par amour ou pour leur salut, ont joué à leurs maris, conscients ou non". Huitième jour, avec la reine Lauretta, "Où l'on parle des tours que les femmes jouent aux hommes et vice versa, ou que les hommes se jouent entre eux". Neuvième jour, avec la reine Emilia, "Où chacun parle de ce qui lui est le plus agréable". Dixième jour, avec le roi Panfilo, "Où l'on parle de tous ceux qui agirent en amour ou autre circonstance avec libéralité ou magnificence."
Une multitude de thèmes
L'ouvrage comprend une centaine de petites nouvelles. Les histoires sont très variées, les thèmes et les registres aussi. On trouve des personnages très différents, comme des marchands, des notaires, des paysans, mais aussi des nobles ou des chevaliers. Boccace écrit des histoires parfois drôles, parfois tragiques, parfois pathétiques ou picaresques. Dans chaque histoire, ce qui importe, c'est l'être humain, ses réactions, sa façon de s'adapter aux différents problèmes qu'il rencontre. Les personnages affrontent toujours des obstacles et tentent d'y faire face. La multitude des thèmes s'explique également par la multitude de personnages. Chaque personnage devient conteur.
Le thème qui revient le plus souvent reste celui de l'amour. Boccace évoque les différentes relations de son temps (amour courtois, amour chevaleresque, amour vulgaire...).
Les obstacles à l'amour
Dans toutes les nouvelles, Boccace met à l'épreuve ses personnages, un obstacle empêche l'amour de se réaliser. Les normes sociales sont souvent un obstacle à l'amour. Ainsi, la jeune Ghismonda a une liaison avec un homme qui n'est pas noble. Son père se dresse contre cette union, et à cause de lui sa fille est poussée à la mort.
Boccace met également en scène des amours à sens unique, des personnages qui refusent de se marier ou des mariages malheureux. Par exemple, dans une nouvelle, un vieux juge impose à sa femme d'avoir des relations sexuelles en fonction d'un calendrier très précis. La femme est lassée par cette monotonie, et elle quitte son époux pour un homme qui la satisfait pleinement. Boccace dénonce donc les règles sociales, les règles puritaines, les règles religieuses, qui entravent le bonheur amoureux.
La démesure et la raison
Les nouvelles n'ont pas toutes la même tonalité. Certaines se terminent très bien, d'autres très mal. Boccace mêle ainsi tragique et comique, histoire sombre et histoire heureuse. Les personnages incarnent très souvent une idée, une pensée. On trouve des personnages caractérisés par leur démesure. Ils vivent souvent une passion destructrice. C'est le cas de Nastagio et Frederigo, qui dépensent sans compter pour plaire à la femme qu'ils aiment. Mais ils parviennent tout de même à être satisfaits et à éviter la mort, grâce à leur ruse.
Pour Boccace, la raison et l'intelligence préservent de la folie passionnelle. La parole, qui est souvent l'apanage des femmes, permet de raisonner et persuader les autres. Ainsi, Ghismonda répond à son père par un plaidoyer lorsqu'il condamne sa relation amoureuse. Elle se montre réfléchie et loquace, et si elle meurt c'est à cause de la démesure de son père. Boccace oppose ainsi la folie à l'intelligence, la raison à l'hybris des hommes.
Une satire de l'Église
Boccace dresse une véritable satire des mœurs de son époque. Il s'en prend particulièrement au clergé, dénonçant leurs vices. Ainsi, la deuxième nouvelle de la première journée relate l'histoire d'un marchand juif qui va à Rome pour observer les catholiques, souhaitant se convertir à cette religion. Il découvre que les membres du clergé vivent de façon malhonnête, qu'ils pêchent par luxure. Il peint Rome comme un lieu de débauche. Dans la quatrième nouvelle de la première journée, Boccace dénonce aussi les vices du clergé, en racontant comment un jeune moine et un vieil abbé séduisent une jeune fille. L'auteur dénonce également la corruption et l'avarice de l'Église.
La place des femmes
Les femmes ont une place importante dans l'œuvre de Boccace. Il ne peint pas un seul stéréotype, mais présente de nombreux caractères différents. Il prend souvent le parti des personnages féminins. La meilleure arme des femmes est la parole. Boccace montre ainsi qu'elles sont douées de raison et d'intelligence, à un siècle où elles ont constamment le statut de mineur et sont souvent peintes comme inférieures aux hommes. Il critique évidemment les femmes qui se montrent cruelles ou mauvaises (exemple de la veuve dans une nouvelle de la huitième journée, qui se moque d'un écolier). Mais souvent, les personnages féminins se montrent courageux et résolus.