Sommaire
ILe Nouveau RomanIILa société de consommationALes "choses"BLes mécanismes de la consommationIIILe couple et le narrateurLes Choses
Georges Perec
1965
Les Choses est un roman du Nouveau Roman qui décrit la vie quotidienne d'un jeune couple, Jérôme et Sylvie. Ils se font une certaine idée du bonheur, étroitement liée aux choses qu'ils possèdent ou veulent acquérir. L'histoire se déroule dans les années soixante, alors que la société de consommation est en plein essor. Les deux jeunes gens ont fait de la psychologie et de la sociologie à l'université. Pourtant, ils semblent plus intéressés par les choses matérielles. Ils ne cessent de lire les magazines de l'époque et de s'en inspirer.
Les choses sont les objets qu'ils achètent, qu'ils désirent. Mais ce sont aussi les idées qu'ils se font du bonheur, les goûts qu'ils acquièrent au fur et à mesure. Ce sont toutes ces idées qui transforment la société. Déçus par leur vie parisienne, Jérôme et Sylvie partent en Tunisie en rêvant de dépaysement. Cependant, ils n'arrivent pas à se défaire de leur idée du bonheur et de leur obsession des choses. Ils tentent de l'implanter dans cet autre pays, et cela ne marche pas.
Le Nouveau Roman
Le Nouveau Roman est un mouvement littéraire d'après-guerre qui perdure jusqu'en 1970. Le but est de renouveler le genre romanesque qui date de l'Antiquité. La position du narrateur change complètement, l'intrigue passe au second plan. Les personnages sont souvent assez peu développés, inutiles. Ainsi, dans Les Choses, Perec met en place une œuvre de Nouveau Roman. Les objets de consommation sont au cœur du roman, les protagonistes eux deviennent ceux qui désirent, ceux qui subissent, et les objets sont les héros. D'ailleurs, les objets sont le véritable sujet du roman, et donnent leur titre à l'œuvre. Il n'y a aucun dialogue dans le livre, aucun échange entre les personnages.
Toute l'œuvre de Georges Perec traite du quotidien, l'auteur tente de l'analyser. Pour cela, il observe beaucoup et utilise son expérience personnelle.
La société de consommation
Les "choses"
Le livre décrit la place que prennent "les choses" dans la vie du couple. L'appartement dans lequel ils vivent est "tout confort". Ils ont un Chesterfield qui est un très bon canapé, ils aiment surtout sortir dans des "petits restos". Leur vie s'organise autour de choses, et non pas de sentiments. Les descriptions dans le livre soulignent le luxe, l'importance des choses chères, des marques. C'est l'univers véhiculé par les journaux de décoration et de mode que Perec met en place.
Les rêves des personnages sont en fait les rêves de toute une nouvelle génération. Jérôme et Sylvie ont fait des études sur la psychologie, quelque chose d'intellectuel. Mais ils semblent complètement détachés du monde des idées et ancrés dans le monde des apparences et des choses.
Les mécanismes de la consommation
Le roman se penche sur la façon dont les mécanismes de la consommation se mettent en place. Le premier piège est celui de la publicité. Elle transforme les choses et notre goût. Par exemple, le pantalon de velours faisait d'abord penser à Saint-Germain-des-Prés et à la Bohème, mais grâce à une publicité dans Madame Express il devient un objet désirable et chic.
Perec montre que la publicité nous pousse à vouloir toujours plus que ce que l'on peut avoir. L'univers est plein d'objets qu'on peut acquérir. Ils nous fascinent car ils nous donnent une identité. Ainsi, Jérôme et Sylvie partent enseigner en Tunisie. Ils y amènent leur mode de vie, mais c'est un échec. La population tunisienne n'est pas encore victime de la société de consommation. Le couple cesse de construire son identité sur les objets qui l'entourent, puisqu'ils n'ont plus la même valeur.
Le couple et le narrateur
Perec utilise un couple plutôt qu'un seul personnage. Cela permet de gommer l'effet d'individu. Ils deviennent la masse, ils représentent n'importe quel couple, n'importe quel homme ou femme. Ce ne sont plus des personnages romanesques au sens classique du terme. Ils sont une sorte de machine.
Le narrateur intervient à plusieurs reprises de façon directe dans le roman mais il impose une distance par rapport au couple. Souvent, il se montre lucide et complaisant par rapport à ses héros. C'est un narrateur complexe, qui semble chercher sa place dans le récit. Parfois, il semble disparaître, parfois il énonce clairement son opinion. Georges Perec semble ainsi hésiter entre le pamphlet, le journal intime et l'étude sociologique.
En face, en un mot, de cette assemblée de responsables, réunis chaque semaine en forum ou en table ronde, dont le sourire béat donnait à penser qu'ils tenaient encore dans leur main droite les clés d'or des lavabos directoriaux, ils songeaient, immanquablement, répétant le pas très bon jeu de mots qui ouvrait leur pamphlet, qu'il n'était pas certain que l'Express fût un journal de gauche, mais qu'il était sans aucun doute possible un journal sinistre. C'était d'ailleurs faux, ils le savaient très bien, mais cela les réconfortait.
Georges Perec
Les Choses
1965