Sommaire
IL'utilisation du monologueIILa construction de la pièceAUne intrigue inspirée du vaudevilleBUne comédie où le drame couveIIIUne critique de la sociétéArt
Yasmina Reza
1994
Marc est invité par son ami Serge. Ce dernier veut lui présenter une toile qu'il vient d'acheter, peinte en blanc, avec de fins liserés blancs transversaux. Cela lui a coûté 200 000 francs. Marc est atterré par cet achat. Il ne comprend pas que son ami ait dépensé une telle somme pour un tableau blanc. Au début, il ne ménage pas Serge, lui disant clairement ce qu'il pense. Marc va ensuite voir Yvan, un ami commun. Il lui explique qu'il ne comprend vraiment pas Serge. Yvan ne pense rien du tableau. Il va bientôt se marier et il est nerveux. Il préfère éviter de se fâcher avec ses amis.
Mais Serge et Marc commencent à se disputer et entraînent Yvan dans leur confrontation. Ils vont chacun évoquer des arguments sur l'art moderne et l'art contemporain. Bientôt, la dispute dépasse l'art. Serge va dire ce qu'il pense vraiment de la femme de Marc, Marc conseille à Yvan d'annuler son mariage. Au final, Marc et Serge en viennent aux mains. Pour sauver leur amitié, les trois hommes décident de sacrifier le tableau. Ils dessinent dessus et le restaurent ensemble.
L'utilisation du monologue
L'action de la pièce est condensée. Elle est centrée sur le tableau blanc, et sur les liens entre les trois amis. Surtout, la dramaturge utilise beaucoup le monologue. En effet, à plusieurs reprises, un des personnages s'adresse au public en aparté. S'alternent ainsi dans la pièce des longs monologues et le dialogue entre les trois amis, qui est une véritable dispute.
Le monologue dans la pièce est fonctionnel. Il permet de ralentir l'action dramatique. Cela créé aussi de nombreux jeux de symétrie et dissymétrie. La pièce se construit comme un assemblage de monologues et dialogues jusqu'à l'explosion finale où le monologue disparaît. La tension est ainsi créée petit à petit. Le monologue sert aussi à souligner l'isolement des personnages. Ils sont seuls et surtout prisonniers de leurs mensonges et de leur mauvaise foi.
La construction de la pièce
Une intrigue inspirée du vaudeville
La pièce repose sur une intrigue très simple. L'enjeu réel a finalement peu d'importance, une différence d'opinion sur un tableau. Mais en vérité, cette dispute permet de souligner la différence de rang social et de niveau intellectuel entre les personnages. Les propos mêmes de la pièce semblent assez ordinaires au début.
Cette comédie pourrait s'apparenter à un vaudeville. Lorsqu'Yvan sort de scène, il le fait de façon très farcesque. La dispute entre Serge et Marc pourrait s'apparenter à une dispute sur l'infidélité dans un couple de vaudeville. La relation triangulaire entre les personnages permet de mettre en avant cela. On peut penser à un ménage à trois.
Une comédie où le drame couve
Si la pièce s'apparente plutôt à une comédie, on peut toutefois relever des éléments plus tristes. La légèreté est partout, mais la gravité pointe souvent. Le drame couve. Malgré les situations cocasses et les dialogues désopilants, on sent que les amis sont toujours à la limite du drame, leur amitié est mise en danger.
Le drame est sans cesse repoussé. Chaque fois qu'une crise arrive, un des personnages parvient à calmer la situation. Ainsi, Marc dit : "Allons dîner. Serge connaît un Lyonnais succulent". Les débats s'achèvent souvent par un apéritif. Les personnages eux-mêmes trouvent ridicule de s'énerver pour un tableau. Si c'est le genre de la comédie qui domine, il ne faut pas oublier les moments de grande tension.
Une critique de la société
La pièce peut se lire comme une critique de la société. Le tableau est un prétexte pour disserter sur le statut de l'Art. La comédie toutefois s'intéresse davantage aux liens entre les humains, aux relations entre les amis. Yasmina Reza cherche, à travers les dialogues, à illustrer les mécanismes de la société. Les rapports humains sont montrés comme fragiles, tendus. Elle souligne l'importance de la théâtralité dans les amitiés. En effet, les personnages mentent, tombent dans la démesure. Marc et Serge s'acharnent sur leur ami commun pour mieux renouer leur amitié.
La parole des personnages semble dominée par le non-dit. On sent qu'il y a plusieurs choses que les amis taisent. Ils semblent assez mesquins. Marc est irrationnel, voire même absurde, Serge veut constamment se mettre en avant, et Yvan est toujours moqué. La dramaturge montre que chacun prend toujours une place définie et la garde. Le regard sur l'humanité est assez pessimiste.