Sommaire
ILe cadre spatio-temporelAL'espaceBLe tempsIILorenzaccio, un héros romantique ?AUn guerrierBUn menteurCUn meurtrier solitaireIIILe thème du masqueLorenzaccio
Alfred de Musset
La pièce est fondée sur l'entrelacement de trois intrigues : l'intrigue Cibo (la marquise Cibo est courtisée par le duc, et se laisse faire dans l'espoir que l'amour du duc peut faire de lui un meilleur prince), l'intrigue Strozzi (Julien Salviati interpelle grossièrement la vertueuse Louise Strozzi, fille du chef du camp républicain), et l'intrigue principale autour de Lorenzo. L'action se déroule à Florence en janvier 1537. Lorenzo de Médicis, un jeune homme de dix-neuf ans, veut restaurer la République. Mais son cousin, le duc Alexandre de Médicis, règne en tyran sur Florence. Il a d'ailleurs le soutien du Saint-Empire et du pape.
Alors que Louise est empoisonnée lors d'un banquet, son frère Pierre et les républicains jurent de la venger. La marquise Cibo se donne à Alexandre. Mais les républicains finalement ne feront rien, et la liaison avec Alexandre sera un échec.
Lorenzo devient le fidèle serviteur du duc. Il souhaite ainsi pouvoir libérer Florence. Il projette de le tuer. Il sait qu'il n'y a pas d'autres solutions. D'ailleurs, il fustige ceux qui veulent la République mais ne sont pas prêts à tout pour l'instaurer. Mais après le meurtre, les républicains ne prennent pas le pouvoir. En effet, comme Lorenzo a agi seul, personne n'ose utiliser son acte pour instaurer un nouveau régime. À Venise, Lorenzo vit exilé avec Philippe Strozzi. Il apprend l'exil en France de Pierre et la réconciliation de la marquise Cibo avec son mari. Il apprend aussi la mort de sa mère. Se promenant dans les rues de la ville sans aucune protection, il se laisse assassiner par les émissaires du nouveau duc. Sa tête avait été mise à prix.
Le cadre spatio-temporel
L'espace
Le traitement de l’espace est un enjeu majeur de la pièce. Musset rejette en effet la règle des trois unités de la période classique. Il propose au contraire une pluralité de lieux, mais aussi d'intrigues et de temps. L'histoire oblige à des changements de décor fréquents.
Musset a écrit la pièce avant tout pour qu'elle soit lue et non jouée. On peut alors parler d'espace mental. Cela explique aussi la liberté qu'il a prise avec les 39 scènes, les 17 lieux, et les nombreux personnages. Il ne pensait pas que la pièce serait adaptée au théâtre.
Les lieux représentent différentes actions. Ainsi la demeure des Strozzi est l'endroit où s'organise la résistance, les plaines à l'extérieur de la ville représentent l'exil, les chambres sont le symbole de corruption de Florence.
La pièce est très complexe à mettre en scène. Elle est rarement montée en entier.
Le temps
Le traitement du temps est très important. Le drame commence à la fin de l'hiver, saison du déclin. Musset utilise des événements historiques qui se sont déroulés sur plusieurs années. Dans la pièce, ils ont lieu en quelques jours. L'histoire commence une nuit où le héros met en place son projet. C'est l'obscurité, les desseins sombres peuvent être pensés la nuit.
Plusieurs intrigues sont suivies, ce qui rend aussi la pièce complexe. Dès la scène d'exposition, le spectateur est plongé en plein dans l'action. Le déroulement du temps est discontinu. En effet, parfois les actions se superposent, elles ne se déroulent pas de façon linéaire. L'intensité dramatique est ainsi renforcée.
Lorenzaccio, un héros romantique ?
Un guerrier
Lorenzaccio est avant tout un guerrier. Sa mère nie cette image, mais le jeune homme tente justement de s'affirmer comme un combattant. C'est un personnage qui est dans le défi. Lorsqu'il s'entraîne avec le spadassin Scoronconcolo, il se montre agile et doué. Philippe Strozzi, son ami, le pousse d'ailleurs à faire ressortir ce côté de lui, à devenir un "Brutus", un "sauveur de la cité".
En public, Lorenzo se montre souvent léger, pourtant il est déterminé à tuer. Veut-il vraiment restaurer la république ? La question de la motivation du héros se pose. Il semble surtout vouloir prouver sa valeur. Il veut être reconnu. Il sait que l'on s'est moqué de lui. Il veut réaffirmer son amour-propre. Lorenzo est son vrai nom, Lorenzaccio est le nom dépréciatif que les autres lui donnent. Il veut tuer Lorenzaccio et imposer Lorenzo.
Un menteur
Le héros de la pièce reste insaisissable. Il use trop de duplicité. Il est vu de façon contrastée par les autres personnages. Il est d'ailleurs un espion au service d'Alexandre, il est double. Son identité est incertaine. Il ment, il trompe. C'est un homme-acteur, changeant, mouvant.
Lorenzo se décrit parfois comme un libertin dépravé qui passe sa nuit avec des femmes. Il se dit vicieux. Il se montre aussi comme un intellectuel pacifique, ou un peureux qui craint les armes. Pourtant, il fait aussi de lui le portrait d'un homme guerrier : "Montre-moi cette épée. Ah garçon, c’est une brave lame". C'est donc un personnage contradictoire. Lorenzo se demande d'ailleurs dans l'acte trois "Suis-je un Satan ?", et dans l'acte quatre "Suis-je le bras de Dieu ?". C'est un héros inconstant, multiple, en pleine crise d'identité.
Un meurtrier solitaire
Lorenzo est certain d'une chose, c'est du meurtre qu'il prépare. Il ne doute pas qu'il soit nécessaire. "Je vais tuer Alexandre ; une fois mon coup fait […] je te gage que ni eux [les républicains] ni le peuple ne feront rien." Il est persuadé que son projet est juste. Bien sûr, il doute parfois, il s'interroge, mais plutôt sur la notion de mal, sur l'âme humaine, que sur le meurtre qu'il prévoit de commettre.
C'est surtout un héros solitaire. C'est un homme isolé, il paraît souvent seul sur scène, il médite, il cherche des réponses. Sa souffrance est réelle et apporte une dimension tragique au personnage. Il semble en décalage avec le reste de l'humanité. Sa mort même ne mérite pas sépulture. Il est abandonné, marginal, incompris.
Le thème du masque
Le masque est un motif récurrent dans la pièce. Dès le début, il y a un défilé de masques. Ce jeu est l'image du vice, de la corruption, de la duplicité. Tout le monde ment et trompe dans la pièce. Ces masques sont admirés dans la rue, ce sont de jolies parures.
Alexandre et Salviati apparaissent tous deux masqués à un moment, ce travestissement souligne leur côté ridicule. La pièce est plongée dans une atmosphère inquiétante à cause de ces masques. Ils symbolisent l'hypocrisie de la cour, la mascarade du pouvoir.
Le masque est un élément du tragique. Lorenzo en porte un, cela symbolise sa quête d'identité. Il se fait comédien, il joue avec le duc pour mieux le tromper. Le masque est dangereux, à force d'en porter un, on peut perdre son identité. Le masque affecte l'intégrité.