Sommaire
ICéline et le scandaleIIBardamu : un anti-hérosALe point de vue interneBLa passivité et le langageIIIUn roman de la dénonciationALa guerreBL'âme humaineCUne œuvre "anti"Voyage au bout de la nuit
Louis-Ferdinand Céline
1932
Le roman commence lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Bardamu s'engage sur un coup de tête, alors que l'armée passe sur la place Clichy et qu'il boit dans un café. Bardamu raconte alors son expérience de la Première Guerre mondiale, du colonialisme en Afrique, des États-Unis de l'entre-deux-guerres, et de la condition sociale en général. C'est un livre sombre, désabusé, où le narrateur découvre la face sombre de l'humanité. À la guerre, Bardamu est choqué par la bêtise des hommes et surtout de ses supérieurs, qui envoient les soldats à la mort. Il perd son innocence. Céline dénonce les horreurs de la guerre.
Bardamu déserte et part ensuite pour l'Afrique. Il fait alors l'expérience du colonialisme. Il estime que c'est l'Enfer, un endroit où les Européens abusent de leur pouvoir, commettent des horreurs. Terrifié, Bardamu part pour l'Amérique du Nord. Il découvre alors un monde où l'argent règne, et où les bordels sont à chaque coin de rue. Il n'aime pas cet endroit, mais il rencontre Molly, dont il tombe amoureux. Bardamu n'aime pas travailler avec les machines des usines de Détroit. Il rentre en France, termine ses études de médecine et devient médecin des pauvres. Il rencontre, dans la banlieue parisienne, la pauvreté extrême. Il a l'impression de retrouver la même misère qu'en Afrique ou dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.
Céline et le scandale
Céline Louis-Ferdinand Destouches est un écrivain qui provoque souvent la polémique. Il publie Voyage au bout de la nuit en 1932 et obtient alors le prix Renaudot. Mais de nombreuses voix s'élèvent contre son roman qui est jugé obscène. En 1936, il publie Mort à crédit et rencontre de nouveau le succès. Mais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il publie des pamphlets antisémites qui nuisent à sa réputation. Pendant la guerre, il collabore avec les Allemands, et écrit contre des auteurs juifs dans les journaux. À la chute du régime de Vichy en 1944, il fuit la France. Il est condamné à la dégradation nationale et à la confiscation de ses biens. Il revient en France en 1951. Il ne se repentira jamais pour ce qu'il a écrit ou fait contre les Juifs. Voyage au bout de la nuit a marqué l'histoire de la littérature. Céline utilise la langue orale et dénonce une société qui avilit l'homme. Le style surprend, le sujet effraie.
Bardamu : un anti-héros
Le point de vue interne
Le roman est écrit à la première personne du singulier. Bardamu relate ses expériences. Il est engagé volontaire mais se rend vite compte de l'horreur de la guerre. Il décrit ainsi la peur, le danger qui est constant de se faire tuer par une balle, un obus. Les tranchées sont un environnement terrible, sale. Le narrateur explique qu'il est tout le temps angoissé.
Surtout, Bardamu décrit l'absurdité de la guerre. Il ne souligne pas le courage des soldats, mais la bêtise de ceux qui foncent sous les balles. Il condamne les supérieurs belliqueux et suicidaires. Dans toutes les expériences qu'il fera ensuite, en Afrique, en Amérique ou en France, Bardamu retrouvera la même bêtise, la même absurdité, la même horreur que dans les tranchées de la guerre. C'est son point de vue sur l'humanité entière qui est offert, et qui s'accorde sans nul doute avec celui de Céline.
La passivité et le langage
Le narrateur est un anti-héros. Il n'est pas courageux, il est naïf. Surtout, c'est un être passif. Il n'agit pas, il est individualiste et surtout très égoïste. Il ne semble pas s'émouvoir des morts à la guerre, il ne pense qu'à manger. Toujours dans les tranchées, il pense à sa propre survie et ne s'intéresse guère à celle de ses camarades. Il fuit même le champ de bataille. Il va réagir de la même façon dans tous les endroits où il va. Il est choqué de certaines horreurs, de la bêtise, mais il ne s'interpose jamais entre une victime et son bourreau. Il ne dénonce jamais rien. Il passe son temps à fuir.
Le discours de Bardamu est choquant. Il n'est pas très lettré, il utilise un langage familier. Son ton semble souvent en décalage avec ce à quoi il assiste. Il semble détaché de tout. Il y a quelque chose de léger dans sa façon de traiter des situations très graves. Il a souvent recours à l'humour noir.
Un roman de la dénonciation
La guerre
Céline dénonce avant tout la guerre. Il dit qu'elle est aveugle, tout le monde meurt. Il est faux de dire que les courageux vivent, ils sont tués aussi bien que les "ordures". Il décrit la souffrance et la misère des soldats. Il condamne les décisions des hommes qui envoient leurs soldats à la mort. Il offre des descriptions de scènes de combat terrible, où la peur règne, où la mort arrive de tous les côtés. Le bruit domine le combat, la guerre semble universelle, apocalyptique, et évidemment parfaitement absurde.
C'est l'incommunicabilité qui règne à la guerre. Les hommes ne peuvent plus communiquer, ils n'ont pas les mots pour. Surtout, les ordres qu'on leur donne sont absurdes. Ce qui semble important à certains ne l'est pas du tout pour les autres. La guerre, c'est la déshumanisation. Les hommes perdent leurs repères, les réactions sont étranges. Le traumatisme est terrible.
L'âme humaine
Le narrateur remet en cause l'humanité entière. La guerre est un lieu terrible, mais en la fuyant, Bardamu ne quitte pas l'horreur humaine. Elle est partout. Le narrateur la dénonce à travers ses personnages. Les héros n'en sont pas vraiment, les gentils sont méchants, la cruauté domine, partout. Toujours, des hommes tentent de prendre le pouvoir. À la guerre, au moins, les règles sont claires. En Afrique, la colonisation est une forme d'enfer, en Amérique, la consommation est aussi l'enfer, et en France, dans les banlieues, l'enfer est encore là. Bardamu n'y échappe jamais. L'homme semble toujours prêt à détruire les autres, à moquer les autres, à les humilier, à les tuer.
Une œuvre "anti"
Le roman de Céline est "anti". Il est antinationaliste. Pour l'auteur, le patriotisme est une valeur idiote qui pousse à l'égarement. En effet, c'est par patriotisme que la guerre est déclarée. Céline est aussi anticolonialiste. Le colonialisme est qualifié de "mal de la même sorte que la guerre". Il condamne l'exploitation d'un peuple par un autre et dresse un portrait très sévère des colons. L'auteur est aussi anticapitaliste. Il s'oppose au taylorisme et au fordisme aux États-Unis, qui "broie les individus, les réduit à la misère, et nie même leur humanité". Il lie le capitalisme au colonialisme.
Céline apparaît alors comme un anarchiste. Il s'oppose à tout système où il existe une hiérarchie. L'obéissance lui apparaît comme une négation de la vie. L'humanité, quand elle obéit, devient une boucherie collective. La pensée nihiliste de Céline le conduit à affirmer que l'Homme ne peut être libre qu'en dehors de toute société humaine.